Portrait de femme inspirante #3 – Léa Credidio

Portrait de femme inspirante #3 – Léa Credidio

Nous voici aujourd’hui à la 3e étape de mon Défi. Comme vous le savez, mon défi consiste à rencontrer une fois par mois une femme avec des valeurs qui a osé vivre son rêve. Après Aurore Peeters et Johana Simao, Léa Credidio a accepté de partager son expérience avec nous pour ce nouveau portrait de femme inspirante.

Coronavirus oblige, c’est encore par téléphone que j’ai pu interviewer Léa, une jeune entrepreneure dans le domaine de l’architecture.

Rencontre avec une jeune femme qui a osé sauter le pas pour rester en accord avec ses valeurs.

Portrait de femme inspirante - Léa Credidio - Architecte - Atelier Infini - Réemploi - Je Tu Elles

Son portrait

Un sourire qui s’entend jusque dans la voix. Communicatif.

Le jour de l’interview, elle commence d’abord par me poser des questions sur moi, s’intéresse réellement aux réponses que je lui donne, à mon parcours.

Avant de me parler d’elle.

De ses études, ses expériences de salariée, sa vie d’entrepreneure, ce qu’elle en a retiré, ses difficultés et ses fiertés également.

Je vous laisse découvrir.

Des études et des promesses déçues

Léa s’est lancée dans des études d’architecture à Rouen, en Seine-Maritime.

L’architecture, ce sont 6 ans d’étude à un rythme très soutenu.

Les professeurs conseillant de ne pas enchaîner directement la 5e et la 6e année, Léa se lance donc dans une activité salariée dès la fin de la 5e année.

Un premier choc, celui qu’ont la plupart des jeunes se lançant dans la vie active : la réalité du monde du travail.

Le salaire et le type de poste promis sont bien loin de la réalité.

Aucun poste d’architecte à l’horizon. C’est dessinateur projeteur qui est proposé aux jeunes diplômés. C’est bien loin du métier décrit. Ici, aucune rencontre avec le client pour travailler ensemble sur un projet, le modéliser, passer à la phase chantier. Le dessinateur projeteur travaille sur des plans sur ordinateur.

Il faut compter 5 à 7 ans avant d’obtenir le poste qu’on a imaginé.

Le 2e choc est l’écart avec ses valeurs. La performance économique prime sur la qualité et l’empreinte écologique. On ne pense ni durable ni local.

Elle est témoin de gaspillages de matériaux qu’on jette alors qu’on aurait pu les réutiliser.

Le salaire, proche du SMIC, ne suit pas non plus malgré le niveau d’études.

En résumé, une véritable désillusion qui va amener Léa à se poser de nombreuses questions.

Le début d’une remise en question

Avait-elle fait les bons choix ?

Que devait-elle faire ? Se serait-elle trompée ? Que voulait-elle finalement ?

Elle se pose alors pour définir ce que serait son job idéal. Une liste où elle inscrit tout ce qui est important pour elle : le local, l’artisanat, le réemploi de matériaux…

Ce job idéal existait bel et bien mais dans les pays nordiques, pas en France.

C’est à cette époque qu’elle découvre l’annonce de la Social Cup.

La Social Cup, un tournant dans sa vie

Qu’est-ce que c’est ?

La Social Cup est la coupe de France des jeunes entrepreneurs sociaux. Elle s’adresse aux porteurs de projets entrepreneuriaux d’utilité sociale et environnementale de moins de 30 ans.

Léa décide de participer en proposant un projet de mobilier design réalisé à partir de déchets non toxiques du BTP avec l’aide d’acteurs locaux.

Elle est alors surprise de l’accueil positif donné à son projet.

Lors de cette journée, elle découvrira également ce qu’est l’économie sociale et solidaire. La confirmation qu’il est effectivement possible de vivre d’une entreprise conciliant activité économique et équité sociale.

Cela la convainc alors de candidater.

Résultat : son projet est choisi par l’antenne de Rouen pour être défendu à Paris en janvier 2018.

Elle y arrive 2e du concours après une bataille de pitchs. Une épreuve impressionnante, qui consiste à convaincre en une minute une assemblée de 200 personnes qui seront amenées à voter.

Une belle expérience, plein de beaux projets présentés, sans aucun esprit de concurrence.

Finalement, suite à un aspect administratif, elle se retrouve 1e du classement.

A la clé, un accompagnement pour développer le projet et de l’argent si une campagne de crowdfunding est menée.

Cette victoire l’amène à se poser de nouvelles questions sur ce qu’elle veut réellement faire par la suite.

Son entourage la pousse à privilégier un CDI pour avoir la sécurité.

Néanmoins, elle prend le risque de tenter sa chance sans savoir réellement où cela la mènera.

Ses premiers pas d’entrepreneure

Léa se lance donc dans l’aventure Möbius.

Elle découvre alors les barrières que rencontrent les entrepreneurs.

Léa doit faire des sacrifices pour vivre de sa passion.

Avant de pouvoir gagner sa vie de son activité, elle comprend qu’il faut du temps.

Elle prend donc un travail « alimentaire » en parallèle.

Les postes qu’elle obtiendra dans des agences lui permettront de découvrir différentes personnes et méthodes. Ces expériences se révéleront enrichissantes.

Puis elle se décide à faire sa 6e année d’étude, pendant laquelle elle doit jongler entre ses cours et Möbius, avant d’obtenir son diplôme.

Son travail précédent en agence d’architecte lui permet de bénéficier d’allocations chômage et de temps. Pour autant, elle ne reste pas inactive. Cela lui permet à la fois de développer Möbius et de lancer plein de choses.

De Möbius à Atelier Infini

En août 2019, une mauvaise nouvelle arrive. Elle se voit obligée de changer le nom de son entreprise. En effet, une autre entreprise portant un nom similaire lui demande de le modifier. Jusqu’à présent, cela dérangeait peu cette firme car celle de Léa était encore peu développée et l’activité était différente. La croissance  de son activité et des partenaires communs changent la donne. Elle dispose alors d’un an pour changer de nom. Un nom qu’elle affectionnait particulièrement.

Qu’importe, malgré sa grande déception, Léa poursuit son aventure. Trouver un nouveau nom lui prend 6 mois. Ce sera « Atelier Infini ». « Atelier » pour un clin d’œil à l’artisanat. « Infini » pour le réemploi à l’infini de matériaux.

Et changement de nom et agrandissement deviendront finalement une opportunité pour faire encore plus de choses.

Les difficultés

Des clients qui prennent le temps de mûrir leur décision

Le succès semble au rendez-vous. De nombreux clients appellent. D’août à décembre, Léa se consacre donc avec enthousiasme à la prospection et l’envoi de devis.

Mais aucun retour, ce qui occasionne une nouvelle remise en question.

Avant un retour rapide au salariat dans une start-up cette fois-ci intéressante.

Une consolation ?

Pas longtemps car, le jour de la signature de son contrat, elle reçoit alors des devis validés.

Pourquoi un tel délai ?

En fait, dans ce métier, les projets sont de véritables investissements. Les clients potentiels prennent donc le temps, parfois jusqu’à six mois voire un an, pour prendre leur décision.

Après un véritable sentiment de frustration et un temps de réflexion, Léa décide de réaliser les projets.

Elle ne le regrettera pas.

La manière dont est perçu le réemploi

Il lui a fallu convaincre ses clients potentiels.

1er challenge : montrer que le réemploi ne se limite pas à faire du mobilier avec des palettes.

2e challenge : faire comprendre aux clients que, même si le mobilier ou l’agencement est réalisé à partir de matériaux de récupération, le travail de design, la main d’œuvre et la réalisation justifient le prix.

La difficulté à se procurer la matière première

Portrait de femme inspirante - Léa Credidio - Réemploi matériaux BTP - Je Tu Elles

Nous pourrions croire qu’il est simple de récupérer la matière mais c’est loin d’être le cas faute de réglementation claire sur le sujet. Pour des questions de responsabilité, il est donc particulièrement compliqué de récupérer les matériaux de la Métropole. Léa regrette que ce sujet soit si lent à évoluer.

Néanmoins, elle a réussi à se faire un réseau qui lui permet de se procurer de la matière pour son activité.

Ainsi, elle récupère des palettes ou des chutes de bois auprès de PGS. De plus, elle a réussi à obtenir de la part d’artisans, avec qui elle collabore régulièrement, un espace dédié dans leurs ateliers.

Elle travaille également avec l’association Backacia sur Paris dont les acteurs sont même devenus des amies.

A force de travailler ensemble, cela va beaucoup plus vite, son réseau sachant exactement ce qui l’intéresse.

Savoir dire non

Comment dire non quand on a besoin de travailler ?

Cela devient une réelle difficulté quand ce qui est proposé est en opposition avec ses valeurs.

Léa a dû apprendre à dire non et ne rien céder.

Les fiertés

Etre restée en accord avec elle-même malgré les difficultés

Léa a su défendre ses valeurs. Il lui était important de pouvoir continuer à se regarder dans un miroir.

Avoir pu faire des rencontres d’exception

Cette aventure a été l’occasion de faire de très belles rencontres.

Avoir su se surpasser

Même si elle est allée au bout de ses études, Léa est sortie de l’école pleine de doutes.

« Je me suis sentie nulle, dévalorisée. »

Son parcours aura changé la vision qu’elle avait d’elle.

Il lui a permis de se surpasser et de faire mentir ceux qui doutaient d’elle.

« On se rend compte qu’on a finalement plein de qualités, qu’on peut faire plein de choses. Par exemple parler devant 200 personnes, faire de la comptabilité, des business plans, ce qui était un enfer avant. On peut tout faire finalement. »

Selon elle, si elle avait effectué un bilan de compétences avant et après cette aventure, le résultat en aurait été complètement différent.

Des regrets ?

Certes, l’entreprenariat apporte certaines difficultés. Ainsi, avec l’épisode de coronavirus, les projets étant arrêtés comme pour nombre d’entrepreneurs, cela signifie absence de revenus contrairement à une activité salariée. Etre salarié, outre la sécurité d’un revenu régulier, c’est également disposer de vacances, de moins s’inquiéter du lendemain.

Néanmoins, ce qu’elle retient surtout de son expérience d’entrepreneure, c’est la liberté dans son travail, une nouvelle confiance et la valorisation de son travail d’architecte. En outre, dans les moments compliqués, elle s’est découvert des ressources qu’elle ne savait même pas posséder.

« Chaque problème a sa solution. »

Un de ses enseignant disait régulièrement : « Ça se termine toujours bien. ».

« Il est vrai que certains jours on a la patate et d’autres, c’est l’enfer. Et c’est compliqué de devoir se justifier auprès de tous, la famille, les amis… »

Mais pour rien au monde elle ne changerait.

Aujourd’hui, le bouche à oreille commence à fonctionner. Elle va pouvoir commencer à s’instaurer une clientèle et, elle l’espère, en vivre plus facilement.

Elle avait pour objectif de collaborer à plusieurs dans l’agence. A l’école, les autres apprentis architectes ne croyaient pas en son projet, jugé à l’époque trop « bobo ». Ils sont maintenant trois indépendants à travailler ensemble et se répartir des projets ou se déléguer des activités selon les talents de chacun.

Et pour la suite ?

Léa explique que les idées progressent, tout comme leur échelle. Les rêves grandissent.

Le sien aujourd’hui : pourquoi pas réaliser son activité à l’échelle d’une ville ?

Si tu avais quelques conseils ?

« Il faut réaliser ses rêves, il faut y aller. Hésiter, c’est risquer de ne jamais sauter le pas. 

Ne pas parler tout de suite de ses projets pour éviter d’être freiné dans son élan peut être une bonne idée. Etre découragé par d’autres peut générer du stress qui est véritable frein.

Et fêter chaque étape. »

Quelques-unes des réalisations de Léa (à retrouver sur le site de son agence l’Atelier Infini)

Portrait de femme - Léa Credidio - Atelier Infini - Scénographie
Scénographie réalisée à partir d’huisseries de portes récupérées
Portrait de femme - Léa Credidio - Atelier Infini - Mobilier bancs et boulier réemployés
Mobilier conçu à partir de bancs d’un temple réemployés et d’un boulier récupéré

Propos recueillis par Sophie Willocquet le 17 mars 2020


J’espère que ce portrait de femme, Léa Credidio, vous aura plu. Rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle rencontre de femme inspirante.

Vous êtes également sensible aux valeurs écologiques ? Retrouvez ici l’interview d’une autre femme inspirante, Aurore Peeters qui, outre son activité d’entrepreneure, a choisi de changer son mode de vie.

Comme toujours, je vous invite à commenter, partager, liker si vous aimez.

Et si vous connaissez des personnes qui accepteraient de se prêter au jeu, faites-le moi savoir via un commentaire ci-dessous.

Au plaisir de vous lire.

A bientôt.

Sophie

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *