Je sais que tu m’aimes même si tu ne veux te l’avouer

Je sais que tu m’aimes même si tu ne veux te l’avouer

« Je sais que tu m’aimes même si tu ne veux pas te l’avouer. ». J’ai lu et relu ces quelques mots. Une fois, deux fois, encore et encore. En fait, je crois que je me refusais à croire ce que je lisais. Non, s’il vous plaît, pas encore.

Quatre ans plus tôt

J’étais heureuse. Certes, tout n’était pas parfait dans ma vie mais je n’avais pas à me plaindre. En effet, j’avais un travail bien payé dans lequel je m’épanouissais. Et en plus, j’avais une famille dont j’étais proche. Le seul bémol, peut-être, c’était mon célibat. Et à mon âge, près de 40 ans, cela me valait quelques remarques moqueuses voire désobligeantes du style :

« Tu es trop difficile. Le prince charmant n’existe pas, tu sais. Et à ton âge… »

« En même temps, tu ne dois pas être facile à vivre. »

« Il faudrait peut-être que tu te bouges un peu. Tu as déjà essayé les sites de rencontre ? Il faut sortir. »

« Tu as un problème ? Tu es lesbienne ? ».

En fait, non, je ne suis pas lesbienne mais j’avoue ne toujours pas comprendre le lien entre être homosexuel.le, avoir un problème et être célibataire.

Et c’est dans ce contexte qu’est arrivée la Lettre.

La Lettre

Ce jour-là, en ouvrant ma boîte aux lettres, j’ai découvert une lettre à mon attention. Une écriture manuscrite, aucun timbre. J’en déduisais donc que je devais connaître l’expéditeur même si je ne reconnaissais pas l’écriture. Curieuse, j’ai ouvert le courrier. A l’intérieur se trouvait une lettre manuscrite de 7 pages. Je m’installais pour la lire.

Une lettre d’amour. J’étais à la fois surprise, flattée et à la fois gênée. D’une part, parce que je connaissais l’expéditeur et que je ne partageais malheureusement pas ses sentiments. Et d’autre part, parce que ses propos me mettaient mal à l’aise sans que je sus dire pourquoi. En effet, cette lettre semblait pourtant satisfaire à tous les critères du romantisme exacerbé. Peut-être mon sentiment de malaise venait-il de là. Car si je suis un peu romantique, je ne suis guère fleur bleue.

Je sais que tu m'aimes même si tu ne veux l'avouer - érotomanie - lettre avec une rose rouge et un crayon papier posés dessus
gmdoujingyi (Pixabay)

Mais en la relisant, je me rendis vaguement compte qu’il y avait plus que cela. En fait, entre les grandes enflammées lyriques, je lisais des propos moins agréables. Ainsi, étant moi-même célibataire, je me devais de saisir la chance qui s’offrait à moi. En plus, cet admirateur généreux était même prêt à se sacrifier en accédant à certaines de mes demandes. Et ce, malgré son manque d’enthousiasme certain sur le sujet, semblait-il. Un enfant, par exemple.

Néanmoins, je me suis dit que j’étais sans doute trop soupçonneuse. En effet, c’était une personne tellement gentille. Tout au plus, était-ce une maladresse de style de sa part.

Seulement, et c’est le drame avec les personnes sympathiques, on n’a pas envie de les blesser. Alors, comment allais-je lui annoncer que je ne partageais pas ses sentiments ? En effet, il m’était moi-même arrivé d’être rejetée en amour. Et quand on a un minimum d’empathie, nous ne voulons pas faire aux autres ce qui nous a nous-mêmes blessé. Néanmoins, son courage, car il en fallait pour avouer ses sentiments, méritait une réponse en retour.

La réponse à la Lettre

Alors je lui ai écrit. Un mail que j’ai lu et relu plusieurs fois avant de l’envoyer, choisissant soigneusement mes mots pour ne pas blesser tout en étant claire. Je sais que cela peut paraître froid après une lettre manuscrite de plusieurs pages. Mais je ne connaissais pas d’autres moyens de le contacter. Et je ne souhaitais pas, dans un premier temps, une confrontation de vive voix. D’autant que je me trouvais sur mon lieu de travail. Car oui je ne vous l’ai pas dit, je m’en rends compte maintenant, mais il s’agissait d’un collègue d’un autre service. Et je le croisais quasiment tous les jours car nos services collaboraient ensemble.

Alors j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai cliqué sur Envoyer. Et la réponse ne s’est pas fait attendre. Je me sentais déjà coupable de ne pas être amoureuse. Et ce sentiment a encore monté d’un cran en lisant son mail.

« Je m’en doutais. Je ne te mérite pas. »

Il n’était pas question de mérite, lui assurais-je. Car je n’étais pas meilleure que lui. Seulement, je ne partageais pas ses sentiments. Et j’ajoutais que j’étais désolée et que je lui souhaitais de trouver à l’avenir la personne qui lui correspondrait en tout point.

Ce fut mon erreur.

Le chantage affectif

J’ai cru que ces quelques mots suffiraient à mettre un point final à cet échange. Après tout, même si j’avais pris soin de le dire avec douceur, j’avais été claire, non ?

Néanmoins, pour limiter encore l’impact de mon refus, je décidais de me comporter comme si rien n’avait changé entre nous. Après tout, il nous fallait encore travailler ensemble. Et cela semblait fonctionner… au départ. Il n’était plus question de sentiments, juste d’une relation professionnelle efficace. Comme avant.

Puis est arrivé mon anniversaire et, avec lui, un nouveau mail. Il débutait de façon neutre et classique, avec les formules d’usage.

« Je te souhaite un très joyeux anniversaire. »

Mais le sourire qui commençait à s’afficher sur mon visage s’est vite figé à la lecture des mots suivants. En effet, il m’indiquait avoir toujours les mêmes sentiments envers moi. Et à la souffrance liée à des sentiments non partagés, ce dont il m’excusait, s’ajoutait une démotivation profonde pour son travail. De ce fait, il connaissait des pensées très sombres ces derniers temps. Néanmoins, il ne souhaitait pas m’ennuyer avec ses problèmes, m’assurait-il.

Alors pourquoi m’envoyer ce mail ?!!

Je sais que tu m'aimes - harcèlement via ordinateur - un homme assis devant son ordinateur d'où s'échappent des message (coeur brisé, like...)
Hatice EROL (Pixabay)

Le complexe du sauveur

Que devais-je faire ? J’étais perdue. Je sentais vaguement la manipulation mais le doute était tout de même présent. Clairement, je ne pouvais en rester là. Et s’il était sincère ? Alors je lui répondais à nouveau, essayant de le remotiver. Et, sans m’en rendre compte, je rentrais dans une boucle infernale qui allait durer.

En effet, les mois et années qui suivirent me firent passer du rôle de sauveur, à celui de victime ou de persécuteur selon les cas. Effectivement, j’étais tout simplement tiraillée.

Ainsi, d’un côté, je voulais l’aider à lui faire remonter la pente en lui prodiguant différents conseils, me sentant responsable au moins en partie. J’ai même alerté la médecine du travail quand je le sentais au plus mal. Et parfois, sentant inconsciemment qu’il y avait une part de manipulation, j’essayais de poser les limites, parfois brusquement. Puis un jour, je fus alertée par des collègues. En effet, mon admirateur n’était pas si gentil. En fait, il racontait certaines choses sur moi cherchant ainsi à s’attirer la sympathie des autres et à m’isoler.

Mais c’est en discutant avec un ami que j’ai compris que j’entretenais la situation en passant du statut de victime à ceux de bourreau et de sauveur. Cela s’appelle le triangle de Karpman ou triangle dramatique. Et il m’expliquait que j’étais la seule à pouvoir sortir de ce piège infernal.

En fait, la première étape était d’en prendre conscience, ce que j’ai fait car j’étais prête à cela. Puis j’ai agi. Non seulement, je me suis exprimée clairement. Mais j’ai commencé à prévenir mon entourage personnel et professionnel de la situation car je savais qu’il pouvait y avoir des conséquences.

Et cela a fonctionné… environ un an.

Joyeux Anniversaire

Non, je ne rêvais pas. J’avais de nouveau droit à un message d’anniversaire. Mais c’est fois-ci, j’ai senti que c’était passé à un niveau supérieur.

« Je sais que tu m’aimes même si tu ne veux pas te l’avouer. »

Ce jour-là, quelque chose a changé en moi. En effet, il n’était plus question de sentiment de culpabilité. Mais juste de la colère. Une colère sourde et profonde. Certes, je lui ai répondu. Mais cette fois-ci, pas de message d’encouragement, ni de conseils. Juste l’information qu’un nouveau message de ce type ferait l’objet d’une plainte de ma part. Et cela a mis fin à ce harcèlement. Car oui, je m’en rends compte maintenant, il s’agissait de harcèlement. Un type de harcèlement que l’on appelle érotomanie. L’érotomanie ou syndrome de Clérambault à savoir, selon le Larousse, l’Illusion délirante d’être aimé par quelqu’un ». Cela vous rappelle quelque chose ?

Et cela aurait pu de nouveau recommencer. En effet, quelques temps après avoir quitté l’entreprise, j’ai reçu une invitation sur un réseau professionnel. Je l’ai ignorée. Car cette fois-ci, j’ai vraiment compris de mes erreurs.


Comme tu l’auras sans doute compris, il s’agit non pas d’une nouvelle mais d’un témoignage.

De ton côté, as-tu déjà vécu une situation similaire. Dans ce cas, comment as-tu réagi ? As-tu fait les mêmes erreurs ?

N’hésite pas à témoigner via les commentaires.

Au plaisir de te lire.

Sophie


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